Quelle était votre objectif lorsque vous avez créé votre cave en 1996 ?

La création d’un domaine viticole à Tokaj, peu après le changement de régime politique et économique de la Hongrie, était une superbe opportunité. Cela a été un défi professionnel et personnel considérable. Après beaucoup de difficultés et de tentatives vaines, j’ai trouvé le moyen d’interpréter notre passé. À la fin des années 90, j’ai réussi à comprendre les raisons de la qualité du vignoble de Tokaj que l’Europe et le monde célèbrent depuis 500 ans. Ce fût une expérience formidable que d’y participer.

Pouvez-vous nous partager votre philosophie concernant les éléments qui vous entourent ?

Les personnes qui ont « construit » la région viticole de Tokaj au cours des cinq cents dernières années méritent le respect. Il n’est pas facile de voir clairement leur rôle, car l’histoire de la Hongrie au XXe siècle a été très turbulente et a donné lieu à une série d’événements presque inexplicables. Cependant, ceux qui vivent ici ont toujours su que le vin de Tokaj méritait l’admiration du monde entier en raison de son caractère unique et de sa qualité. Cette conviction a été transmise de génération en génération, indépendamment des tempêtes historiques. J’ai voulu rendre hommage à mes prédécesseurs en utilisant ce qu’ils avaient créé. Il est de notre devoir de transmettre cet héritage à la génération suivante, d’une manière qui maintienne la continuité culturelle tout en ayant de la fonctionnalité.

Vous travaillez 9 parcelles pour un total de 7 hectares de vignes. Pouvez vous nous les présenter ?

La région viticole de Tokaj fait partie d’une chaîne de montagnes volcaniques. La diversité du paysage et de la composition du sol est le résultat de l’activité de plusieurs centaines de volcans qui étaient actifs il y a 15 millions d’années. Cette diversité confère aux vignobles de la région un caractère unique. Tokaj a été la première région viticole classée au monde, en 1736. Je cultive 7 hectares (parmi les 5 500 hectares de vignobles cultivés), répartis sur neuf sites différents dans cinq localités. Chacun des neuf sites possède ses propres caractéristiques pédologiques, notamment le tuf rhyolitique, le trachyte et l’hydro quartzite. Je possède même un vieux vignoble Hárslevelű sur un sol de lœss sur la colline de Tokaj.
Grâce à cette sélection de vignobles uniques et à mes vins de propriété, qui sont des assemblages de vignobles sélectionnés, j’essaie de rendre ces différences et ces caractéristiques uniques accessibles au public.

Le Furmint est un cépage extraordinaire ! Il permet d’élaborer une large gamme de vins blancs, secs ou moelleux. Comment le définissez-vous ?

Oui, le Furmint est un cépage vraiment spécial. C’est peut-être grâce à sa capacité à développer la pourriture noble qu’il a pu conquérir une si grande superficie dans la région viticole (70-75 %) tout au long de l’histoire. Aujourd’hui, nous essayons également d’explorer son potentiel pour les vins secs et les vins mousseux. Il ne se contente pas de nous révéler sa beauté. La limitation des rendements, que je considère comme naturelle, fait disparaitre son côté « rustique » qu’on retrouve dans des vignobles non contrôlés. De plus, elle récompense les pratiques de vinification douces (pressurage en grappes entières, minimisation des interventions, etc…) tout en préservant la structure sérieuse du vin.
On découvre peu à peu son utilité dans ces trois catégories, mais sa capacité à développer largement la pourriture noble tout en préservant son acidité le rend précieux dans le monde des vins botrytisés.

Nous proposons votre Aszù 6 puttonyos, un Tokaji exceptionnel ! Quels sont vos secrets, de la vigne au chai, pour produire ce vin ?

Je cultive exclusivement des vieilles vignes. Je n’ai pas de vignoble de moins de 40 ans. Les grappes de raisin entrent en floraison après une taille courte des coursons et une sélection des rameaux. En juillet, j’enlève les grappes excédentaires jugées inutiles. Le rendement est fixé à environ 4 tonnes à l’hectare. La maturation est plus précoce et la saveur des baies devient unique par rapport à celles où l’on ne pratique pas la régulation des rendements. Si le temps le permet, la botrytisation commence à la moitié ou aux deux tiers du stade de maturation. C’est un moment critique car le botrytis n’infecte pas les raisins non mûrs. C’est la principale raison pour laquelle je n’utilise que des raisins issus de ma propre culture pour élaborer les vins Aszú. Les baies d’Aszú sont cueillies à la main, une à une, sur les grappes, à la fin du mois d’octobre ou au début du mois de novembre. Il s’agit d’une tâche très méticuleuse et peut-être le mouvement de base de la production du vin le plus cher du monde. Après avoir récolté les baies d’Aszú, nous les faisons macérer dans du moût de fermentation pour en extraire le sucre, comme le faisaient nos ancêtres il y a 500 ans. Après une journée de macération, nous pressons les baies et un long processus de fermentation commence dans les profondeurs fraîches de la cave. Après plusieurs années de vieillissement, le vin est mis en bouteille. La teneur en sucre résiduel de mes vins peut atteindre 250 g/litre. C’est ainsi qu’est élaboré le Tokaj Aszú, un vin que le Roi-Soleil français appelait tout simplement « le roi des vins et le vin des rois ». C’est une valeur déterminante de la culture humaine créée qui dépasse les frontières de la Hongrie.