Si nous voulions résumer la Ribera del Duero en quelques lignes on pourrait dire : d’abord, il y eut Vega Sicilia puis vint Pesquera et Peter Sissieck de Dominio de Pingus. Maintenant il faudra aussi compter sur Jorge Monzón qui amorce un nouveau virage pour la Ribera avec ses vignobles de vieilles vignes souvent pré-phylloxérique plantés à une altitude de 830-880 mètres dans la région d’Aguilera.

Avant de produire vos propres vins, vous avez travaillé dans plusieurs domaines prestigieux. Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Avant de commencer à étudier le vin en France, j’ai commencé par travailler dans les vignes avec mon père qui m’a transmis la culture, viticole et traditionnelle, de la Ribera del Duero. C’est la richesse de notre région qui m’a donnée cette passion pour le vin et l’ambition d’apprendre dans les vignobles les plus renommés : Bordeaux puis la Bourgogne. J’ai eu la chance de travailler deux ans au Domaine de La Romanée-Conti. Ce fut pour moi la découverte d’un vignoble et ses vins uniques, mais aussi une expérience humaine qui m’a laissé des souvenirs inoubliables. Puis j’ai travaillé chez Vega Sicilia qui est une autre facette de la Ribera, avant de commencer à développer mon propre style de vin à la Bodega Arzuaga. C’est après toutes ces expériences que j’ai créé mon propre domaine, Dominio del Aguila, en 2010.

Vous vous êtes installé sur la partie la plus haute de la Ribera del Duero. Quelles sont les caractéristiques de ce lieu ?

Dominio del Águila se trouve au cœur de l’appellation Ribera Del Duero. L’altitude nous permet d’avoir des nuits fraîches. Combiné aux sols sableux en surface, ces paramètres permettent de conserver l’acidité du Tempranillo et de l’Albillo. En effet, ils bénéficient d’une réserve d’eau grâce à la roche qui se trouve dans le sous-sol de La Aguilera. Ce sont ces paramètres, simples mais essentiels qui nous permettent de produire des vins frais avec une structure profonde.

Dominio del Aguila, ce sont plusieurs centaines de micro-parcelles. Comment cela s’est fait et comment faites-vous vos choix pour acquérir ces parcelles ? Que vous apporte toutes cette diversité ?

J’ai commencé avec les parcelles de mon père. Je me suis aperçu que dans la Ribera del Duero, beaucoup plus que dans d’autres vignobles, les vieilles vignes avec un enracinement profond permettent à la plante de réguler son métabolisme pour produire des raisins de la meilleure qualité. C’est pour cela que je me suis concentré sur la culture de petites parcelles de vieilles vignes, toutes issues du même village de La Aguilera. Chaque parcelle est différente, cette diversité nous permet de sélectionner les meilleurs raisins pour l’élaboration de notre gamme.

Vous possédez des caves atypiques où sont élevés vos vins. Impossible d’y faire entrer un foudre par exemple ! Quelles sont les difficultés au quotidien et quelle est la valeur ajoutée à l’élevage ?

Ces contraintes physiques que nous imposent nos caves souterraines et qui rendent notre travail quotidien plus difficile, nous permettent de nous centrer sur ce qui est important : l’humain. Dans ces grottes façonnées par l’homme, il n’y a pas de place pour la mécanisation. Cela nous permet d’être au plus proche de nos vins et de suivre avec précision son évolution. De plus, ces caves étroites permettent de conserver la fraîcheur et l’humidité qui varient légèrement au cours des saisons. C’est peut-être ce qui rend le vin plus vivant…

Vous prenez à contre-pied le style historique de la Ribera avec des vins qui ne sont pas marqués par le bois, avec une très belle expression aromatique, en utilisant des cépages autres que le Tempranillo. Que recherchez-vous lorsque vous produisez vos vins et comment y parvenez-vous ?

Le cépage emblématique de notre région est le Tempranillo. Traditionnellement, il était assemblé à l’Albillo (cépage blanc) pour produire des Claretes (Clairet en langage bordelais). C’est pour cela que j’ai choisi de continuer à vinifier de façon traditionnelle ce style de vin de la Ribera. Dans nos rouges, le Tempranillo reste majoritaire, et la vinification est traditionnelle et respecte le travail réalisé dans le vignoble. C’est en ceci que les vins de Dominio del Aguila se distinguent.

Ce que nous recherchons, c’est que le dégustateur vive une nouvelle expérience, qu’il soit surpris par l’identité et bien-sûr qu’il prenne du plaisir en buvant notre vin. La Ribera est une appellation que le monde est encore en train de découvrir. Il y a de belles choses à faire qui permettront de découvrir cette région à travers de ses vins. C’est pour cela que je vois un bel avenir pour la Ribera.