Alexandre Delétraz a créé en 2008 la Cave des Amandiers avec l’envie de faire de grands vins sur des terroirs d’exception et de révéler au mieux les qualités des cépages autochtones valaisans dans un environnement authentique. Avec ses 5,2 hectares de vignes, il travaille tout manuellement comme l’impose l’endroit. Rencontre avec un passionné patient !

Il y a une dizaine d’années, vous vous êtes installé en Suisse. Pourquoi avoir choisi le Valais pour produire du vin ?

Je ne viens pas d’une famille de gens travaillant la terre. Mes parents étaient des enfants d’ouvriers qui ont grandi en ville. Ils se sont intéressés au vin sur le tard, mais c’est devenu par la suite une passion. C’est dans cet environnement que j’ai grandi, avec de nombreux séjours et dégustations dans la Bourgogne toute proche. Je pense que c’est là qu’est né mon premier intérêt pour le vin, d’une façon un peu diffuse peut-être, s’exprimant à ce moment-là par une admiration pour les reliefs viticoles, façonnés par l’humain, l’odeur et l’atmosphère des caves. Sans oublier la gouaille de vignerons hauts en couleurs que nous croisions au gré des visites de domaines.

La dimension aromatique des choses qui nous entourent a toujours eu de l’importance pour moi. J’étais assez à l’aise avec la reconnaissance des odeurs et j’avais une attirance marquée pour les métiers de bouche. J’étais également attiré par la beauté de la nature et des paysages qui nous entourent avec une grande envie de vivre au grand air. J’ai donc bifurqué vers le monde de la vigne et du vin suite une première formation commerciale.

Après des stages sur des domaines genevois auprès de vignerons passionnés et une formation d’oenologue à Changins, j’ai choisi de m’installer en Valais. C’est pour moi la région viticole suisse qui présente le plus grand potentiel terroir, la plus grande dimension minérale, en particulier la commune de Fully, où les gneiss dominent et donnent naissance à des sols dépourvus de calcaires. Cette caractéristique unique en Suisse m’intéressait.

Parmi les autres raisons, c’est mon attirance pour les vignobles en terrasses, de collines ou de montagne. Je ne me serais pas vu sur une autre topographie, avec à la foi le défi technique et physique que cela représente, mais aussi une viticulture qui demeure encore à échelle humaine. Ici c’est l’environnement qui rythme le travail et non pas la machine !

C’est également une région qui permet l’installation de jeunes, car les vignes à remettre en état sont nombreuses. En effet, on compte 20 000 propriétaires sur 4 800 ha, un ensoleillement maximum et des précipitations faibles.

La topographie du lieu ne facilite pas les choses. Pouvez vous nous présenter cet endroit particulier et nous expliquer comment vous y travaillez ?

Le Valais est une vallée en auge, façonnée par le glacier et le fleuve Rhône. C’est d’ailleurs ici qu’il y prend sa source avant de se jeter dans le Lac Léman. On l’appelle d’ailleurs la Vallée du Rhône, comme mes confrères de France, avec qui nous avons beaucoup de similitudes de sols et de climats, ainsi que des problématiques culturales communes.

Les vignes s’accrochent au piedmont des Alpes et s’étagent en terrasses vertigineuses de 450 à 800 mètres sur mon domaine. (de 300 à 1200 m. pour le Valais). Toutes mes vignes ont une orientation qui vont du Sud-Est au Sud-Ouest et qui dominent le Rhône sur sa rive droite. Le climat y est continental, avec un hiver beau et froid et des étés chauds et secs. Durant la période végétative de la vigne, il est similaire au climat méditerranéen. Enfin, l’effet de Foehn, phénomène météorologique caractéristique du Valais, permet un bon état sanitaire des grappes au moment de la récolte.

Le vignoble de la Cave des Amandiers se situe sur des coteaux vertigineux et se façonne en petites terrasses, soutenues avec des murs en pierre sèche qu’il faut régulièrement entretenir. La pente abrupte empêche toute mécanisation, toutes les vignes se travaillent manuellement.

Nous sommes bien desservis par des routes, des sentiers, mes monorails et parfois des téléphériques qui permettent de faciliter un peu le travail du vigneron et surtout de transporter la vendange.

L’une de vos forces, c’est la patience et le fait de ne pas précipiter les choses. Comment cela se traduit-il dans votre cave ?

Je suis un peu revenu du paradigme qui consiste à faire coûte que coûte des élevages long systématiques, ça dépend finalement du millésime, du rendement, du cépage, etc. Aujourd’hui on essaye d’aborder les choses, hors du dogme, pour répondre le plus possible aux besoins du vin et à la façon dont on sent les choses.

Sur un millésime à maturité fraîche, j’aurai tendance à rallonger l’élevage et à maturité solaire à le raccourcir, mais on ne peut pas en faire une généralité, c’est ça la beauté du vin !

Vous cultivez du Chasselas, de la Petite Arvine, de la Syrah et du Cornalin. Quelle est l’identité de chacun de ces cépages et avec quels mets peuvent-ils être accompagnés ?

Originaire de Suisse, le Chasselas ou Fendant (nommé ainsi en raison de sa peau très fine qui se fend sous les doigts lorsque le raisin est mûr) est un cépage qui restitue l’expression la plus directe des sols : structure et finesse. A la dégustation, il se démarque par sa fraîcheur et sa vivacité. Ce vin sec et parfumé est idéal pour l’apéritif avec par exemple, une marinade de sardines au citron ou encore des toasts au thon et piment d’Espelette.

Très présente dans le Valais, la Petite Arvine est un cépage qui donne des vins racés voire virils dont il faut maitriser avec précision la vinification. Ce vin frais et très fruité, relèvera avec finesse et élégance tous les plats à base de poissons comme par exemple un ceviche de Daurade au basilic ou une Daurade en croûte de sel.

Notre Syrah est élevée dans des fûts de 500 litres pendant 18 à 24 mois. Typique des caractéristiques organoleptiques du cépage, le premier nez s’ouvre sur des notes poivrées. L’intensité de ces épices est renforcée par un deuxième nez plus profond et complexe : noix de muscade et réglisse viennent enrichir un bouquet agréable et raffiné. Pour valoriser la richesse et la puissance aromatique de cette cuvée, il faut l’accompagner d’une fricassée de poulet aux morilles.

Très ancien cépage cultivé dans le Valais suisse, le Cornalin provient d’un croisement naturel entre le Petit Rouge et le Mayolet. Le Cornalin a la particularité d’être un cépage « biennal», c’est-à-dire de ne produire qu’une fois tous les deux ans. Il fait ainsi l’objet de toutes nos attentions au moment de sa vinification. Le vin est ensuite élevé en fûts de 500 litres pendant 22 mois. Ce vin structuré et puissant nécessite un peu de patience. Après quelques années en cave, il sublimera les mets de caractère ou les plats épicés comme un tajine par exemple.​​​​​​