Avignonesi est installé en plein cœur de la Toscane, à Montepulciano. Qu’est-ce qui différencie cet endroit ?

Les trois DOCG les plus fameuses de Toscane jouissent de climats et de traditions diverses. On pourrait de façon très caricaturale les décrire comme suit : le Chianti grâce à son altitude donne des vins avec une vibrante acidité ; Montalcino dont le cahier des charges est très contraignant produit des vins plus structurés ; Montepulciano au climat plus continental est quelque part entre les deux, souplesse et élégance en sont cependant l’apanage.
Mais là encore il faut être très prudent, même si l’Italie s’est inspirée de la France pour la découpe des terroirs, quelque chose les différencie. La notion de DOCG Italienne se superpose aux circonscriptions administratives sans considération pour la pédologie ou climat du lieu. Cette spécificité des DOCG italiennes est encore plus sensible lorsqu’il s’agit du cépage Sangiovese. En effet, sa sensibilité exacerbée au biotope bat en brèche toute généralisation. Souvent, on trouve plus de diversité au sein d’une même commune qu’il n’y en a entre les dénominations.
Pour comprendre, on doit avoir conscience que la distance entre deux DOCG Toscanes est généralement inférieure à l’écart entre les deux points les plus éloignés d’une même dénomination. Ceci veut dire que les raisins qui poussent à l’Est de Montalcino ou au Sud du Chianti on plus en commun avec ceux du Nord-Ouest de Montepulciano qu’avec leur alter ego à l’autre bout de leur propre dénomination !

L’histoire d’Avignonesi est riche, avec de nombreux rebondissements. Depuis 2009, Virginie Saverys a repris en main le domaine. Quels changements ont été opérés depuis ?

Depuis l’arrivée de Virginie Saverys à la tête du vignoble, Avignonesi a opéré un revirement à 180°. Virginie a introduit les notions suivantes : mise en bouteilles au château, régénération des sols et du vignoble, rénovation des systèmes de conduites, bannissement de l’agrochimie et des adjuvants œnologiques, pieds de cuves, diminution substantielle de l’usage du bois, introduction de la terre cuite, certifications bio, biodynamique et végane, préservation de l’environnement, soutien à la biodiversité, multiethnicité des équipes, sécurité au travail, actions sociales au bénéfice des ouvriers et de la communauté villageoise, transition énergétique, traitement phytosanitaires des eaux usées, allègement des bouteilles, emballages recyclables, établissement de bilan carbone et j’en passe. Bien entendu, il ne faut pas crier victoire, il nous reste encore beaucoup à faire et nous sommes encore loin des objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés.

La biodynamie fait partie intégrante de l’identité d’Avignonesi. Comment avez-vous fait pour transformer vos vignobles et devenir l’un des leaders italiens de ce mode de culture ?

La biodynamie est une de nos caractéristiques, mais elle n’est pas une fin en soi. Pour Avignonesi, suivre les enseignements de Steiner ne signifie pas renier Pasteur bien au contraire. La biodynamie a ses limites tout autant que la science, mais l’observation assidue de la nature nous aide à concilier ces deux visions en réalité moins éloignées qu’il y paraît. Sur mon bureau trône un microscope symbole de notre engouement pour la recherche.
Pour ce qui est de la soi-disant difficulté à gérer un grand vignoble en biodynamie, je dirais d’abord que les conférences Steiner s’adressaient exclusivement à de grands propriétaires, la biodynamie n’a jamais été pensée pour de petites exploitations ; ensuite pour reprendre les mots de Virginie « 180ha en biodynamie sont plus faciles à gérer que quatre enfants pour une mère qui travaille, il suffit de s’organiser ni plus, ni moins !».

Nous proposons le Rosso, le Vino Nobile et le Grandi Annate issues tous les trois du Prugnolo Gentile. Quels sont les caractéristiques de ces trois cuvées ?

Les trois ont en commun d’être des Sangiovese à divers degrés d’élaboration. Le Rosso est une séduisante ouverture sur la fraicheur du fruit, c’est un plaisir immédiat, sans prétention ni complexe. La complexité, cependant, est le signe du Nobile, plus structuré, long en bouche, et apte à vieillir. Il est depuis six siècles l’archétype du vin fin toscan, tant l’ont imité, peu l’ont égalé. On ignore souvent que le Prugnolo Gentile (comme on nomme le Sangiovese localement) est extrêmement sensible à son biotope. Les fruits de ce rang-ci ou de ce rang-là sont complètement différents même si deux mètres à peine les séparent. A l’instar du Nobile, mais au niveau suprême, le Grandi Annate tend à harmoniser dans son assemblage les traits essentiels de ce cépage tel qu’ils se distinguent à Montepulciano. Comme son nom l’indique, le Grandi Annate n’est produit que dans les grands millésimes.