Votre projet est récent mais il se construit depuis plus de 15 ans. Quel est votre parcours ?

J’ai grandi en Afrique du Sud, en faisant des études de médecine à Stellenbosch. Je voulais être docteur, mais tout a basculé le jour où j’ai bu une bouteille en compagnie d’un vigneron. J’ai alors changé de voie pour me diriger dans la viticulture. J’ai travaillé dans la Russian River et la Napa en Californie, à Marlborough en Nouvelle-Zélande, puis en France chez Stéphane Ogier en Côte Rotie. A chaque fois, j’y partais en dehors des périodes de vendanges de l’Afrique du Sud. Je suis tellement attaché à ce pays que je n’y ai jamais raté une vendange !
Lorsque j’ai décidé de faire du vin ici, j’ai épaulé Adi Badenhorst pendant 3 ans, puis j’ai travaillé une dizaine d’années chez Boekenhoutskoof, avant de faire mon premier vin en 2018.

Avec Damascene, que souhaitez-vous démontrer ?

J’avais envie de casser les idées préconçues sur ce que peut donner un vin dans une région. Je voulais démontrer la diversité qu’il y a en Afrique du Sud, en mettant en valeur à chaque fois un lieu précis. Pour cela, je travaille 35 parcelles différentes dispersées autour de Cape Town. Il m’arrive de faire 3h de route pour gouter quelques grains de raisins. Certains vignobles me donnent la chair de poule quand j’y suis et c’est une sensation que je veux mettre en bouteille !

Comment sélectionnez-vous ces parcelles ?

Au cours de mon expérience chez Boekenshoutskoof, j’ai parcouru pendant 10 ans pas mal de vignobles et je savais où je voulais faire du vin. Au fur et à mesure des rencontres avec les propriétaires de parcelles, en expliquant ce que je recherchais, ils m’ont envoyé chez d’autres personnes. De fil en aiguille, le bouche à oreille a très bien fonctionné. Au-delà des terroirs exceptionnels, ces rencontres humaines m’ont beaucoup apportées. Il y a une relation de confiance qui s’est instaurée. Il suffisait chez certains d’un serrage de main pour commencer à travailler leurs vignes. Maintenant, j’ai des contrats de 25 ans pour exploiter leurs vignes. Je suis persuadé que la qualité des raisins de leurs parcelles ne cessera de croitre.

Quel est le travail dans les chais ?

Pour mes trois Chenin Blanc, je fonctionne de la même manière. Ils sont pressés en grappes entières, fermentés sur lies (sans faire de malolactique) puis élevés en foudres de 1 000 litres.
Pour les rouges, j’utilise des cuves béton pour la fermentation. Toujours de la vendange entière et un élevage majoritairement en foudres de 2 000 litres. Suivant les cépages, j’y apporte quelques touches différentes : pour la Syrah, je fermente plus froid pour capter la fraîcheur et les épices ; pour le Cabernet-Sauvignon, je fermente à une température un peu plus élevée pour obtenir toute l’intensité du fruit. Suivant les millésimes, suivant les parcelles, je bouge les lignes : plus ou moins de rafle, contact plus ou moins long avec la peau…

Nous proposons 2 Chenins Blancs (Stellenbosch et Swartland). Quels sont leurs différences ?

Celui de Stellenbosch est composé de trois parcelles plantées en 1982, 1980 et dans les années 70. Elles sont proches de l’océan, à une altitude oscillant entre 280 et 320 mètres. Pour celui du Swartland, ce sont deux vignobles de vieilles vignes. Il est étonnant de constater que celui plus éloigné de l’océan (Swartland) donne un vin qui est plus salin et minéral. Celui de Stellenbosch reflète son terroir : une intensité impressionnante de fruits à noyaux, une belle opulence et concentration.

De la même manière, nous avons 3 Syrah. Qu’est-ce qui les différencie ?

Celle de Stellenbosch provient de 3 vignobles le long de la côte entre 140 et 295 mètres d’altitude. C’est le plus frais et le plus aromatique des trois.
Pour celle du Swartland, c’est également 3 vignobles entre 170 et 340 mètres d’altitude. Il y fait plus chaud, l’empreinte du terroir est plus marquée, avec des arômes de fruits rouges, de myrtilles.
Celle de Cederberg provient d’un vignoble avoisinant les 1 000 mètres d’altitude, ce qui est extrêmement rare en Afrique du Sud. C’est une Syrah continentale, sur des notes de fruits noirs. L’acidité est plus présente que dans les deux autres. La concentration, la couleur, les tanins sont plus intenses.
C’est magique de voir cette différence entre les reliefs et les terroirs.

Nous voyons qu’il y a une incroyable énergie positive de la part des différents vignerons sud-africains. Comment le vivez-vous de l’intérieur ?

C’est super excitant d’être acteur de cette mouvance. Le monde s’ouvre à nous ! Nous sommes une bande de vignerons qui communiquons beaucoup. On se conseille, on s’entre aide. On avance ensemble tel un collectif. Nous adorons voyager et découvrir ce qu’il se fait ailleurs. On partage les expériences et les connaissances. C’est une chance impressionnante !