Jan, pouvez-vous nous présenter l’histoire de Fernando de Castilla ? Qu’est-ce qui vous a poussé, en tant que Norvégien, à vous installer à Jerez ?
La Bodega « Rey Fernando de Castilla » est implantée dans la région depuis 1728. Elle a été fondée par la famille Andrada-Vanderwilde, qui a cultivé des vignes dans la région de Jerez pendant plusieurs générations. Dans les années 60, ils ont acquis des entrepôts appartenant à Pedro Domecq et y ont installé des soleras de vins, brandies et vinaigres de Jerez de très haute qualité.

Pour ma part, je suis né à Oslo, en Norvège, en 1957 et je suis arrivé en Espagne en 1981 pour suivre un master en gestion d’entreprise jusqu’en 1983. Cette même année, j’ai commencé à travailler pour les caves Osborne, où je suis resté jusqu’en 1999, date à laquelle j’ai eu l’opportunité d’acheter la Bodega Rey Fernando de Castilla. Peu après, nous avons également acheté une autre petite cave de Jerez appelée Jose Bustamante et nous avons fusionné les deux caves. Depuis lors, nous avons beaucoup travaillé pour faire de Fernando de Castilla l’un des meilleurs producteurs de vins et brandies de Jerez. Actuellement, nous exportons 85 % de notre production vers plus de 50 pays.
Le cépage Palomino permet de faire des Jerez de styles différents, mais avant cela comment se comporte-t-il dans les vignes ? Y a-t-il un changement perceptible avec l’évolution du climat ?
Le cépage Palomino est utilisé dans la région de Jerez depuis des millénaires. Tout commence dans le sol, dans les ‘albarizas’ uniques qui constituent le terroir de Jerez. Ce sont des sols calcaires dotés d’une extraordinaire capacité de rétention d’eau, un facteur clé pour contrebalancer – avec les vents frais de Poniente – la rigueur de l’été dans la région. C’est la zone idéale de culture de ce cépage. Et ceci même si nous avons observé, au cours des dernières décennies, que le cycle de maturation se modifie, avec des bourgeonnements plus précoces et des vendanges plus tôt.
La vinification est très particulière. Pour comprendre un peu plus votre philosophie de production, comment sont élaborés les Fino, les Oloroso, les Amontillado et Palo Cortado ? L’élevage, la durée, avec ou sans Flor, en Solera, ce que cela offre à la dégustation, accords avec des mets…
Le vin de Xérès est élaboré pratiquement de la même manière depuis plus de 400 ans. Il est issu d’un vin de base de cépage Palomino qui acquiert naturellement un degré alcoolique de 12,5 %.
Au bout de quelques mois, le vin est fortifié avec de l’alcool vinique. Le vin le plus léger du premier pressage est fortifié jusqu’à 15 % puis transféré dans des fûts de chêne américain d’une capacité de 500 litres. Les fûts sont remplis à 75 % de leur capacité et une couche de levures appelée « flor » se forme à l’intérieur du fût, recouvrant complètement le vin.

Le Fino Classic est élevé sous ce voile pendant 5 ans. Il possède une fraîcheur et une buvabilité remarquables. Il est salin, ce qui donne du « peps » et de la tonicité au vin.
L’Oloroso est élevé sans flor pendant 20 ans. Il présente un profil intense avec des arômes élégants de vieillissement oxydatif et de fruits secs, notamment de noisettes et de noix, et de subtiles notes d’écorce d’orange. En bouche, il est généreux, avec une finale sèche et longue.
L’Amontillado Antique commence sa vie comme un vin type Fino, sous flor qui le protège de l’oxygène. Puis, au bout de quelques années, ce voile meurt ou est éliminé, et le vin bascule en vieillissement oxydatif. Au bout de 20 ans d’élevage, il est de couleur ambrée iodée et présente un nez vif et aromatique. En bouche il est élégant, avec des touches d’amande. Il est enveloppant et sec, avec une longue finale.
Le Palo Cortado est élevé 30 ans. C’est un vin rare qui évolue de façon inattendue en perdant son voile. Il est alors fortifié et vieilli en élevage oxydatif, développant un profil mêlant la finesse aromatique d’un Fino ou d’un Amontillado et la puissance d’un Oloroso.
Le voile confère au vin son caractère unique, avec des notes de pâte à pain, de pomme et d’amande. Les vins fins sont pâles et vifs. Ils accompagnent magnifiquement le poisson, les fruits de mer, les salades ou le jambon ibérique.
Qu’est-ce qui vous fascine toujours aujourd’hui dans les vins que vous produisez ?
Nous sommes très heureux de voir que de plus en plus d’amateurs de vins authentiques découvrent les grands vins de Jerez. Ce sont des vins différents et singuliers, qui accompagnent merveilleusement bien la gastronomie. Ils constituent un véritable trésor pour le monde du vin !