Les vendanges 2022 vont bientôt commencer en Australie. Comment pressentez vous ce nouveau millésime ?

C’est assez prometteur. Nous avons eu beaucoup de pluie cet hiver. Ça s’est un peu calmé au début du Printemps puis nous avons connu une période assez sèche en décembre et janvier. Nous avons eu dernièrement 30 mm de pluie, combinée avec des conditions fraîches et humides. Cela est plutôt bien pour des raisins qui n’avaient eu que du soleil ces dernières semaines. Il a fait relativement frais au printemps et en été, et janvier a été proche de la moyenne habituelle. Nous allons commencer les vendanges un peu plus tardivement cette année afin d’avoir des raisins à pleine maturité.

L’an dernier, nous avons eu une récolte assez importante, 2022 semble être une récolte assez similaire à ce que nous récoltons habituellement. Je suis plutôt serein !
Vous êtes installés dans la McLaren Vale au Sud d’Adélaïde. Sur le papier, c’est un endroit magique : situé à quelques kilomètres de l’océan, avec un climat méditerranéen… Quel est la véritable identité de votre région ?
Même si c’est méditerranéen, parce que nous sommes juste à côté de la mer, nous sommes en fait au Nord d’une péninsule. La côte Sud n’est qu’à une demi-heure de route, mais cela apporte une influence fraîche sur notre climat. Même si nous ne connaissons pas la neige, ni le gel, il peut y avoir cependant de fortes variations de températures, ce qui est assez inhabituel dans une région relativement proche de la mer. Nous perdons également quelques degrés par la pluie provenant des montagnes et qui descendent jusqu’au milieu de la péninsule. Pendant l’été, la température australienne se réchauffe et aspire l’air froid venant du sud. Nous sommes en première ligne pour obtenir ces brises. Nous avons donc des nuits fraîches, ce qui est très bon pour le développement des arômes et de l’acidité. Et cela signifie que le pic de chaleur n’est en fait pas trop élevé.
Au final, nous avons ici un raisin sain grâce à ce climat particulier que l’on ne retrouve nulle pas ailleurs en Australie. Pas de gel, pas de forte chaleur, un peu de pluie et pas de tempêtes (elles s’arrêtent un peu au Nord que chez nous). Ces tempêtes, venant du Queensland en été, ont d’ailleurs un apport bénéfique pour nous. Lorsque qu’elles descendent jusqu’à Adélaïde, elles aspirent les nuages de pluie et nous évitent d’avoir une pluviométrie élevée. C’est pour cela qu’il est facile de cultiver en Bio ici. La McLaren Vale est l’appellation où la culture Bio est la plus développée. Et d’Arenberg est le plus grand producteur biologique et biodynamique d’Australie !
Aussi Mclaren Vale est unique parce que nous avons de nombreux terroirs différents avec la mer d’un côté et les montagnes de l’autre. C’est très vallonné avec une multitude de microclimats. Il existe une quarantaine de sols différents. C’est impressionnant pour une surface si petite qui ne s’étend que le long de la mer et à environ 15km à l’intérieur des terres, ce qui forme un triangle. Nous sommes quelque part entre les températures de Châteauneuf-du-Pape et celles de Côte Rotie. C’est donc un endroit idéal pour cultiver une multitude de cépages. McLaren Vale est surement l’une des régions viticoles les plus diversifiées d’Australie. De nombreux cépages s’épanouissent ici…

Vous êtes la 4ème génération de la famille Osborn à produire du vin et vous avez trouvé la manière d’être différent. Comment définissez-vous votre métier aujourd’hui ? Où trouvez-vous les idées ?

C’est du “fun”!, c’est comme ça que je définis ma journée. Faire des vins, des spiritueux, la gestion du restaurant, l’art… j’ai tellement de ‘casquettes’ différentes que je suis complètement épanoui !
Comment est-ce que je trouve mes idées ? Eh bien, je ne dors pas beaucoup ! Je fais de la méditation transcendantale. Cela me procure quelques idées, je les laisse venir à moi. J’aime l’art, j’aime la diversité, et plus on est de fous, plus on rit, c’est ce que je dis toujours. J’écoute la voix qui me dicte des façons de présenter et de représenter les vins, afin que cela soit fait de manière unique. Cela passe par des caricatures, de l’art, par le cube d’Arenberg et mille autres choses …


Cette inspiration, je la dois en partie à ma mère. Elle était assez extravertie, et m’a beaucoup poussé vers les arts parce qu’elle y croyait beaucoup. C’est probablement de là que vient aussi mon inspiration. Enfant, j’ai toujours cherché à bouger, à fabriquer des choses. Tout au long de ma vie j’ai continué à fonctionner comme cela.
La chose la plus folle que j’ai faite est la construction du cube d’Arenberg. La plupart des gens ne croyaient pas que ce projet verrait le jour. Mes parents, mes oncles et tantes, ils pensaient tous que c’était une idée folle. Et le cube s’est concrétisé. Pensent-ils toujours que je suis fou ? Peut-être ! Peut-être qu’ils ont raison, mais en attendant, c’est un succès. Nous avons beaucoup de visiteurs et cela fait découvrir tout l’univers « d’Arenberg ». Par ce biais, les ventes augmentent depuis un certain temps maintenant et tous les retours sont positifs. Alors peut-être que je ne suis pas aussi fou que j’en ai l’air !

Avec un peu de recul et votre expérience, qu’est-ce qui vous rend le plus fier ?

Il y a ce fameux cube bien sûr, mais aussi le fait que nous sommes la 5ème génération d’Osborn à produire du vin. Mes enfants étudient la vinification et ils vont certainement tous faire perdurer ce projet. Nous verrons s’ils nous rendent fiers ou s’ils nous donnent du fil à retordre…
Ma fierté, c’est aussi d’avoir une collection de vignobles incroyables et les vins qui en découlent. De voir à quel point ils vieillissent bien, d’avoir des éloges pour ces vins qui ont des styles uniques. C’est une façon de travailler à l’européenne mais avec les traits de caractères de l’Australie et, en particulier, de la McLaren Vale.

Vous produisez une multitude de cuvées, que ce soit des assemblages ou des monocépages. Quelle est la trame que vous recherchez à chaque fois ? Pour parvenir au résultat souhaité, quels travaux effectuez vous dans les vignes et dans les chais ?

A cette question, je pense qu’il faut répondre en commençant par la fin. Dans les vignes, j’y passe 5 heures par jour. Pendant ces heures où je vais de vignes en vignes, je goûte les raisins, je m’assure que nous avons tout analysé avant la récolte, je continue à surveiller les niveaux de sucre, à guetter les risques de maladies et tout le reste. Au final, c’est beaucoup de temps passé dans les vignes, à voir et comprendre le développement des raisins et ensuite savoir ce qu’il faut en faire dans la cave.
Nous travaillons à l’ancienne, vendanges à la main, foulage aux pieds, élevages sur lie pour les blancs, sans soutirage, sans collage ni filtration lors de la mise en bouteille… Nous produisons des vins toujours différents, en fonction de l’année et nous ne cherchons pas à changer cela.
Comment je décide de faire quoi, comment ? Eh bien, c’est vraiment selon le goût des raisins dans les vignes, et par l’expérience du passé, de ce qui a fonctionné, avec quels cépages, âges des vignes… Le travail de vigneron, c’est d’observer. Rien n’est écrit à l’avance. L’expérience et la compréhension permettent d’avoir ce que d’Arenberg est aujourd’hui.